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domenica 26 maggio 2013

LA SUOCERA

 di Françoise Laclare



 C'est d’abord le traînement de ses savates sur le carrelage du couloir, fritch-fritch, fritch-fritch.
Il est cinq heures du matin, Claire a eu une insomnie, elle est assise dans la cuisine, sur une chaise inconfortable, dans cette maison qui n’est pas la sienne, cette maison où rôde encore l’ombre du fils préféré, trop tôt disparu, et qui fut son mari.
Elle n’a pourtant pas fait de bruit. Ce fritch-fritch sonne le glas de sa tranquillité. La chasse d’eau dans les toilettes, fritch-fritch, la vieille araignée est sortie de sa toile.
La voici.
Sa voix, oh, cette voix, geignarde, pleurnicharde, celle qu’elle prend pour attendrir, apitoyer, faire céder Claire, l’amener à rester chez elle deux jours de plus !
« Ah, vous êtes déjà levée ! Aïe, aïe, aïe, la nuit que j’ai passée ! Epouvantable ! J’ai pas fermé l’œil de la nuit ! Ah, la vieillesse, vous savez ! Quand je pense à ce que j’étais et à ce que je suis devenue ! »
Claire sait que ça va revenir, toute la journée, ça s’imprime dans sa tête, elle va l’entendre et l’entendre encore.
La vieille femme s’approche d’elle, l’odeur d’urine, diffuse dans l’appartement, l’agresse, amère, puissante, écœurante.
Qu’elle ne s’approche pas plus, surtout qu’elle ne s’approche pas plus ! Même après sa toilette, l’odeur demeure, imprégnant ses vêtements, ses cheveux, les replis de sa peau.
Claire se dit qu’elle est vieille, qu’elle doit supporter, sans rien dire ni montrer son dégoût. S’il s’agissait de sa mère, elle l’accepterait sans doute davantage.
« Je sais pas ce que j’ai, là, sous les seins, ça me brûle. Tenez, regardez. » Et elle relève sa chemise de nuit, dévoilant sans pudeur son corps déformé, ses cuisses grasses et molles, son pubis déplumé, ses seins lourds qu’elle soulève pour montrer une gerçure, un eczéma, quelque chose comme ça.
Claire regarde cette femme qui fut belle, autoritaire, impérieuse, pauvre vieil oiseau pitoyable qui quémande un peu d’attention, un peu d’amour peut-être.
« Vous ne voulez pas me passer un peu de pommade ? »
Claire frissonne à l’idée de ses doigts sur sa peau, mais elle s’exécute. Matière douceâtre, spongieuse et molle. Pourtant des mains d’homme ont jadis caressé cette peau et y ont trouvé du plaisir. Elle a le cœur au bord des lèvres, le sang bat à ses oreilles.

Doucement, elle reconduit la vieille jusqu’à sa chambre, elle la borde dans son lit et lui caresse les cheveux. De retour à la cuisine, elle se fait un café, très fort.
Il lui brûle la langue, l’œsophage, l’estomac, nettoyant sur son passage sa honte et son dégoût.

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