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sabato 25 maggio 2013

ALLER AUX PISSENLITS

 di Françoise Laclare

 


On aura fait la vaisselle et rangé la cuisine. Dans ce moment un peu indécis où on va entamer la page blanche de l’après-midi, on étouffera un bâillement, on s’approchera de la fenêtre et l’idée surgira : «Si on allait aux pissenlits ? » On se force un peu pour s’arracher à la douce chaleur de la maison, tant pis pour les copies à corriger, on le fera ce soir. D’abord, il faut choisir le couteau, une lame pointue, un peu usée, et de préférence avec un manche de bois noir. On chausse les bottes de caoutchouc, raides et froides d’avoir trop longtemps séjourné dans le garage et qui dégagent encore cette odeur amère de moisissure et de chaussettes mal séchées, on enroule une écharpe et, panier au bras, on marche d’un pas vif dans la grisaille cotonneuse de Janvier. On ne parle pas encore, le silence endormi du début d’après-midi n’est rompu que par les croassements des corbeaux et les aboiements des chiens des fermes environnantes. Par un accord tacite, on se dirige vers le pré habituel, celui où on ramasse aussi des champignons rosés à l’automne. Petit grincement étouffé de la barrière qu’on referme derrière soi ; la cueillette peut commencer. Trouver un bon coin, s’en approprier la découverte mais la faire partager. « Tiens, par là, y en a plein ! » Attention, on ne cueille pas à l’aveuglette. On n’attrape pas du premier coup ce rapide mouvement du poignet qui va permettre de creuser un petit cratère bien régulier autour du pissenlit. Une pression sur la lame qui crisse un peu en glissant sur des cailloux, on tranche d’un coup sec la racine blanche et charnue, et on tient dans sa main une rosace verte et dentelée dont on savoure à l’avance le croquant et l’amertume. Les paroles naissent d’elles-mêmes maintenant, des phrases anodines, des réponses

murmurées, échange à bâtons rompus, comme un tricot à mailles lâches qui tisse un lien ténu mais essentiel. Les paniers remplis, on repartira, mains rougies et goutte au nez en traînant les bottes crottées sur le goudron de la route, pour « enlever le plus gros ». A la maison, on retire les vestes un peu humides et on vide la récolte dans une bassine d’eau pour faire tremper. On se retrouve assis à la table de cuisine, les mains en coupe autour d’un bol de thé brûlant, en regrettant les tartines de confitures de prunes qu’on mangeait autrefois, enfant, au creux de l’après-midi. C’est un moment de calme et de silence, le corps s’engourdit après le coup de fouet de l’air froid et piquant.

On n’a pas envie de bouger, ni de parler, on est bien. La question de savoir qui fera l’épluchage se posera plus tard…………

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